Étienne Robial, un nom qui ne vous dit peut-être rien et pourtant vous connaissez son travail. Canal +, M6, L’Équipe, PSG, Les Inrockuptibles… autant de marques qui ont laissé le génie d’Étienne Robial s’exprimer tout au long du processus de création et de vie de leur logo et identité visuelle. Des logos qui sont aujourd’hui entrés dans notre culture commune, un style Robial reconnaissable entre tous, une patte artistique qui laisse son empreinte au fil des générations. Mais comment cet artiste est-il arrivé à ce niveau de perfection et de performance ? L’exposition organisée au Musée des Arts décoratifs a donné à l’équipe de Kazoar des premiers éléments de réponse.
L’obsession mathématique
Étudiant aux Beaux-Arts puis à l’école des Arts et Métiers de Vevey, Étienne Robial c’est avant tout une forte tradition typographique et graphique.
Ses modèles ? Les architectes Peter Behrens et Max Bill, les graphistes Paul Rand et le collectif Grapus, les courants artistiques du Bauhaus et du suprématisme.
Ses sources d’inspiration ? Définitivement tout ce qui l’entoure. En effet, cet éclectique intense ne se limite pas dans sa quête d’un graphisme vivant.
C’est ainsi qu’il puise dans la rigueur mathématique les lignes fondatrices de ces nombreux alphabets. Entièrement calculées, dessinées à la main, les lettres se dévoilent en transparence des compas, rapporteurs et autres équerres de l’artiste. D’autres objets plus insolites, comme des écumoires, peuvent servir sa pulsion créatrice.
En effet, la signature graphique d’Étienne Robial c’est le mariage entre la cohérence mathématique indiscutable et l’imperfection humaine. Un décalage, comme dans le logo PSG, un sigle + légèrement déformé… C’est le petit coup de folie qui déséquilibre mais rend l’objet graphique vivant.
Un univers graphique complet
Quand l’artiste crée un logo, il imagine tout le concept graphique. Formes, couleurs, typographies et la musique sont les ingrédients de la recette Robial. Canal + en est l’exemple parfait. La création de l’univers de Canal + c’est tout d’abord une plongée dans les spécificités de la 4. Première chaîne privée soumise à un abonnement, elle casse les codes. Il lui faut donc une identité à son image : innovante et joyeuse.
À partir d’une grille, Étienne Robial imagine une singularité graphique, qu’elle soit colorimétrique ou typographique, pour chaque programme. Pour réussir ce chantier titanesque, Il fait renaître, de sa gigantesque bibliothèque, des ouvrages d’avant-guerre mais aussi des étiquettes de pots de confitures. Il photocopie, dans différentes tailles, les lettres pour atteindre le rendu souhaité. Autant de ressources qui inspirent les milliers de possibilités de l’univers Canal +.
Un costume taillé sur mesure
Étienne Robial est aussi un caractère qui aura eu les honneurs d’une marionnette dans le journal des Guignols de l’info. En effet, avec Robial il n’y a pas vraiment d’appel d’offres ou de choix possibles. Il est davantage un tailleur qui fabrique à ses clients un costume sur mesure. À Pierre Lescure, alors PDG de Canal +, il dira « Je vais te faire 3 vestes, 3 pantalons, 3 chemises, 3 cravates, et avec cela tu vas pouvoir t’habiller de 81 façons différentes : avec le pantalon 1 – veste 1, pantalon 1 – veste 2, pantalon 1 – veste 3 et ainsi de suite […] toujours dans le même esprit […], mais avec des associations différentes ». L’expression d’habillage télévisuelle est née.
Un esprit One shot qui considère que « venir avec deux propositions, c’est une faute professionnelle. Quand tu vas chez le médecin, tu ne fais pas d’appel d’offres. » Un aplomb magistral qui souligne le caractère unique de cet homme qui aura monté l’art graphique, au service des marques, à son apogée. Et deviendra une source d’inspiration pour toutes les générations de graphistes, chez Kazoar comme ailleurs.